Une histoire de l’école : interview de François Jacquet-Francillon

1. Comment est né le livre Une histoire de l'école : anthologie de l'éducation et de l'enseignement en France, XVIIIe - XXe siècle ?

Le projet remonte à une suggestion de Philippe Champy, qui réfléchissait à un choix de textes conçu sur une base encyclopédique. En réponse, j’ai suggéré qu’on se tourne vers une conception plus historienne : un choix de textes, donc, mais élaboré en fonction d’une chronologie, ce qui permettrait, avais-je pensé, d’offrir au lecteur des extraits anciens mais classiques, véritables morceaux d’anthologie, sans pour autant négliger la culture éducative contemporaine et les références d’actualité.

Une fois cet accord trouvé, une autre décision fondamentale a consisté à opter pour un découpage thématique. Au lieu de faire se succéder les textes sur une seule ligne chronologique, en proposant pour chaque période, pour chaque grand "moment", de la Révolution à nos jours, tel ou tel texte intéressant, nous avons pensé qu’il valait mieux procéder à un découpage thématique initial du champ de l’éducation. Ainsi éviterait-on, dans cette succession, de passer d’un problème à l’autre, sans qu’on distingue ces problèmes les uns des autres. La scolarisation des enfants, l’élaboration des programmes d’enseignement, les débats politiques, les innovations pédagogiques, etc., constituent au fond des préoccupations de nature très diverses, qui ont donné lieu à des textes eux-mêmes divers dans la forme et le fond.

D’où les 40 thèmes, qui sont 40 problèmes différents, 40 questions d’histoire de l’enseignement, chacune, en outre, pouvant se traiter dans la chronologie, et pouvant s’illustrer par quelques textes choisis à plusieurs moments significatifs.

2. Quel en est le concept ?

Philippe Champy et nous (les trois directeurs de l’ouvrage) avons conçu l’ouvrage sur la base des connaissances historiques les plus récentes, sachant que les historiens de l’éducation ont beaucoup travaillé depuis 20 ans et ont ainsi apporté des connaissances nouvelles, qui ont complété et surtout élargi le domaine.

Mais notre but a aussi été d’offrir à un public large les résultats de ces recherches. Nous avons visé un ouvrage d’une très bonne qualité scientifique, mais en même temps de la plus grande lisibilité possible. Au total, nous avons voulu à la fois contenter les spécialistes et satisfaire la curiosité des personnes intéressées de près ou de loin à cette histoire.

3. Quelle est l'originalité du livre ?

A partir du moment où le choix d’un découpage thématique était effectué, il fallait fournir aussi bien les textes d’anthologie que des notices explicatives de chacun des thèmes ayant permis de choisir les textes.

Les 40 thèmes donnent lieu de ce fait à 40 articles, qui forment la première partie du volume. Ces notices, qui donnent toutes les indications permettant de comprendre comment et pourquoi telle question s’est posée et a évolué à travers le temps, ces notices, donc, introduisent à la lecture des textes et documents (5 textes par notices), qui sont réunis dans la seconde partie du volume, la partie anthologique, strictement accordée à la chronologie.

Ces deux parties sont la plus grande originalité « technique » de l’ouvrage. Un tel dispositif permet plusieurs manières de lire. On peut s’intéresser à telle question, lire telle notice, et ensuite regarder les textes d’anthologie ; on peut à l’inverse prélever dans la partie anthologie n’importe quel texte, pour peu que l’on soit curieux de la période (très facile à repérer), et ensuite se reporter à la notice explicative correspondante.

Le simple fait de parcourir les trois siècles en voyant se succéder dans le temps les 200 textes est en soi un plaisir particulier, puisqu’on voit évoluer les questions, les auteurs, les langages, etc. C’est la raison pour laquelle nous publions ces textes souvent dans la longueur, afin qu’ils conservent leur authenticité.

4. A qui s'adresse-t-il ?

Comme indiqué précédemment, notre pari n’a pas été d’offrir un ouvrage seulement intéressant pour les spécialistes. Ce livre est, très clairement, un instrument de culture générale, et… de travail.

Les notices abordent, non pas toutes, bien sûr, mais la plupart des questions importantes posées depuis trois siècles jusqu’à aujourd’hui dans ce domaine de l’éducation et de l’enseignement.

Toute personne qui veut s’informer et réfléchir à ces questions disposera grâce à ce livre d’une base solide (et durable, croyons-nous). Nous avons pensé aux enseignants, aux étudiants se destinant à ces carrières de l’enseignement, aux responsables, aux décideurs qui souhaitent parfois prendre un peu de recul historique, etc.

Dans cette perspective, j’insiste aussi sur le fait que les textes d’anthologie donnent la possibilité, indépendamment du guidage par les notices, de découvrir la pensée authentique, la parole véridique de nos prédécesseurs, donc la possibilité de s’en faire une idée par soi-même.

Les textes d’anthologie ne sont pas seulement là pour illustrer les notices : ils sont là comme des œuvres originales, dont les auteurs furent souvent des personnalités remarquables, dignes de figurer dans la mémoire collective.

5. Avez-vous une dernière précision à apporter ?

Une chose à retenir avant d’ouvrir le livre. Il y a 40 notices, mais ces notices sont regroupées en quatre catégories. Les deux catégories du milieu sont classiques (histoire institutionnelle) ; les deux autres relèvent d’approches plus nouvelles et originales. La quatrième traite de la formation et de la transformation des contenus d’enseignement dans une douzaine de disciplines - question jadis négligée, mais aujourd’hui explorée avec profit par les chercheurs.

La premier partie, quant à elle, propose une sorte d’approche archéologique, qui s’intéresse à la formation des savoirs de l’éducation : savoirs de l’enfance, du peuple, du corps, etc., par lesquels les acteurs se posent à eux-mêmes et posent à la société des problèmes spécifiques d’éducation, aux différentes époques.