Pourquoi certains élèves n'apprennent pas ?
Mais quand, à l'école, ils ont des difficultés d'abstraction, les reproches pleuvent : n'écoute pas en classe, est paresseux...
Ces reproches peuvent bloquer plutôt qu'entraîner.
À l'école, l'élève (…) a tout le potentiel et le dynamisme nécessaires pour fabriquer un savoir. Pourtant, trop fréquemment, il n'y arrive pas. On lui reproche « de ne pas écouter en classe », « de ne pas réfléchir », « d'être paresseux », « de ne pas avoir le niveau d'abstraction nécessaire » : hélas ce sont des citations authentiques de bulletins scolaires ordinaires dont les conséquences peuvent être graves.
En revanche, dans une activité intellectuelle non scolaire, par exemple un jeu de construction qu'il aura choisi, l'enfant sait en générai utiliser ses capacités intellectuelles pour réussir son produit final. Sa concentration est impressionnante, sa persévérance remarquable.
Dans l'action dont il a l'initiative, l'enfant ou l'adolescent a une idée de ce qu'il veut obtenir ; il a une intention au départ et pense réussir comme à l'habitude, le doute n'effleure même pas son esprit. Il choisit « l'information » nécessaire en fonction de son but. Ce dernier point est important. Il a un point de repère : le résultat attendu de son action. (…)
S'il se trompe en cours de route, il n'est pas pénalisé, au contraire ses erreurs lui servent d'indicateur. Il ne craint pas d'échouer. Il sait quand il a réussi et en éprouve une grande satisfaction. Il peut même, à un moment donné, décider que son but n'est pas réalisable parce qu'il lui manque telle capacité ou tel objet. Mais cet échec-là n'est pas comparable à l'échec scolaire où l'enfant ne sait pas pourquoi il n'a pas réussi - ou même ce qu'il fallait réussir.
Nous reconnaissons tous ce « portrait ».
L'observation des apprentissages non scolaires est riche d'enseignements pédagogiques. Comparons ces conditions de réussite avec ce qui se passe à l'école. Où se situe la différence ? Pourquoi l'élève a-t-il tant de mal à y apprendre ? Une des différences est que, dans sa propre entreprise, c'est un avantage pour l'enfant de partir de son expérience personnelle. Cette expérience l'aide à donner du sens aux informations nouvelles, il peut faire le lien avec ce qu'il connaît déjà. Paradoxalement, la situation est souvent renversée à l'école. Au lieu d'être un avantage, sa propre subjectivité peut l'égarer et devenir un obstacle.(…)
À l'école, il faudrait « se méfier» de ce qu'on connaît déjà, il faudrait être capable de ne pas regarder les choses de façon subjective, mais de s'en tenir à ce qui est pertinent pour l'apprentissage en cours. Rares sont les situations d'apprentissage où cette difficulté inconsciente pour l'élève est systématiquement prise en compte.
Cette difficulté est d'ailleurs la même pour l'adulte. Imaginez qu'on vous demande d'interpréter une radiographie médicale ou de comprendre un schéma décrivant le fonctionnement d'une fusée spatiale. Pour l'enfant comme pour l'adulte, la situation n'est pas maîtrisable car, comme il ne sait où porter son attention, il risque de se tromper dans son interprétation. Si personne ne le met sur la voie, il ne peut réussir à dégager les éléments significatifs.
Il trouvera peut-être des « réponses », les siennes, mais qui risquent de répondre à d'autres questions que celles prévues par l'enseignant. Elles seront donc considérées comme fausses, sans que l'apprenant sache pourquoi. C'est alors un dialogue de sourds, représentatif d'un grand nombre d'incompréhensions à l'école.
Extrait de « L’apprentissage de l’abstraction » de B.-M. Barth.