Motiver la lecture chez les enfants
Cette fois, je suis frappé par un certain nombre de formulations que j'indique en italique :
- « Mon enfant n'aime pas lire, comment faire pour l'y obliger ? »,
- « Cela aide-t-il mon fils si je l'oblige à lire quelques pages chaque jour à la maison ? »,
- « À partir de quel âge faut-il obliger les enfants à ne lire que des livres sans images ? »,
- « Ma fille ne finit jamais les livres qu'elle commence. J'ai beau insister, cela ne sert à rien. Dois-je l'y obliger ? »
Ma réponse reste la même : l'obliger, surtout pas ! Mais l'encourager et la motiver, oui !
Comme par hasard, ces quatre questions concernent des enfants qui savent lire, techniquement parlant, mais qui ne lisent pas beaucoup, des enfants qui auront donc du mal à automatiser leur apprentissage. L'inquiétude révélée par les parents qui ont posé les questions est donc légitime, mais le moyen spontanément proposé est inadéquat. Je voudrais être un peu plus précis à cet égard.
En fait, les désirs des parents et ceux de leurs enfants coïncident, alors que l'utilisation du terme « obliger» laisse supposer qu'ils s'opposent. Ce que désirent les parents, c'est que leurs enfants aiment lire, pas seulement qu'ils lisent. Et ce que veulent les enfants, c'est éprouver les plaisirs de la lecture dont ils ont tant entendu parler. La dernière question reproduite ci-dessus décrit très bien le comportement des enfants qui ne parviennent pas à démarrer en lecture, alors qu'ils savent lire : ils commencent un livre, lisent quelques pages, l'abandonnent, en commencent un autre, et ainsi de suite. En agissant ainsi, ils cherchent le plaisir de lire mais ne le rencontrent pas. Ils pensent alors que ce n'est pas le bon livre et en cherchent un autre, qui ne les satisfait pas non plus. Ils agissent ainsi parce qu'ils croient que le plaisir de lire va surgir soudainement, comme par magie. Mais la magie n'a rien à voir avec les apprentissages ; peu à peu, ils se lassent d'essayer, pensent qu'ils n'ont pas de chance ou qu'ils sont différents des autres -ceux à qui le plaisir de lire a été donné-, et finissent par se détourner des livres et de la lecture.
Au cours d'une de mes recherches, j'ai constaté que tous les enfants de CE1 désirent fortement aimer lire. Quand ils avancent en âge, on constate qu'une partie d'entre eux n'y parvient pas. Pourquoi ? Parce qu'ils ne savent pas ce qu'il faut faire pour cela. En particulier, ils n'ont pas compris que juste après l'apprentissage de la lecture, ils doivent eux-mêmes s'obliger à lire beaucoup, pour que ça devienne vite plus facile. Cela, les parents peuvent le leur expliquer. Leur conseiller, même, de parler avec d'autres enfants, qui aiment lire, car ces derniers peuvent leur dire comment ils ont fait.
Exemples :
- Séverine, par exemple, évoque un souvenir datant de CE2 : « J'étais jalouse de voir tous les autres lire et moi qui ne lisais pas. Toutes les histoires que les autres racontaient, j'avais envie de les lire. » Alors elle s'est obligée à lire.
- Whitney raconte qu'au CP, elle avait l'impression de bien lire, mais l'année suivante « j'avais du mal à lire », dit-elle, car lire des phrases et lire des livres, ce n'est pas la même chose. Alors elle s'est obligée à lire et a découvert le plaisir de la lecture.
- Alexandre explique qu'il s'est un peu obligé à lire parce que sinon « après, on perd l'habitude de lire ».
Les parents peuvent également aider leurs enfants à lire, au début, quand c'est encore difficile, et aussi les aider à choisir un livre qui leur plaira vraiment, car s'ils commencent des tas de livres sans les terminer, c'est qu'ils ne savent pas non plus comment chercher.
Parfois, un livre offert en cadeau -une marque d'amour- peut suffire à faire démarrer un enfant. Je me souviens de Bastien qui, au CM1, n'avait encore jamais lu un livre jusqu'au bout. Sa mère lui a offert un livre racontant les aventures d'une équipe de football -sa passion- et il l'a lu intégralement.
Extrait de « Le plaisir de lire expliqué aux parents » de Christian Poslaniec.