DÉCODI - Méthode pour enseigner la lecture aux élèves avec une déficience intellectuelle

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Autrices de la méthode Décodi
Décodi, la première méthode, en langue française, pour enseigner les compétences essentielles en lecture aux élèves avec une déficience intellectuelle. Une approche, clé-en-main, dont l’efficacité a été démontrée scientifiquement.
Retrouvez l'interview des autrices : Catherine Martinet, Rachel Sermier Dessemontet, Anne-Françoise de Chambrier.
  • 1. Pourriez-vous vous présenter ? 

Nous sommes toutes les trois professeures à l’unité de Pédagogie Spécialisée de la Haute École Pédagogique du canton de Vaud, en Suisse. Nous intervenons essentiellement dans la formation des enseignants spécialisés. Nos travaux de recherche portent sur différents dispositifs visant à favoriser les apprentissages langagiers et mathématiques d’élèves qui rencontrent des difficultés importantes, comme des troubles dys ou une déficience intellectuelle
Il nous tient à cœur de développer des dispositifs d’apprentissage avec les professionnels du terrain et de mettre à leur disposition ainsi qu’à celle de leurs élèves des méthodes validées scientifiquement. Nous voulons ainsi favoriser l’accès aux savoirs fondamentaux pour les élèves les plus en difficultés.

  • 2. Comment est né le projet Décodi ?

Ce projet est né du constat qu’il y a beaucoup d’élèves avec une déficience intellectuelle dont les compétences en lecture sont en-deçà de ce qu’elles pourraient être, ce notamment faute de moyens d’enseignement adaptés. Souvent, les enseignants mettent de l’énergie à enseigner la lecture à ces élèves, mais déplorent que les méthodes disponibles avancent trop vite ou qu’elles ne travaillent pas suffisamment les prérequis, si bien qu’ils ont le sentiment de confronter leurs élèves à des échecs répétés. 
Par ailleurs, la recherche sur les moyens adaptés et efficaces de faire acquérir la lecture aux élèves avec une déficience intellectuelle étant plus avancée aux États-Unis, nous nous sommes lancées dans le projet de développer des ressources de ce type pour la langue française.

  • 3. Pourriez-vous expliquer ce qu’englobe le terme « déficience intellectuelle » ?

On parle de déficience intellectuelle quand il y a des limitations cognitives, dans le sens d’un quotient intellectuel inférieur à 70, ainsi que des limitations du fonctionnement adaptatif. Les premières limitations se traduisent par un déficit des capacités à raisonner de manière logique et abstraite. Les limitations du fonctionnement adaptatif renvoient quant à elles aux difficultés que rencontrent ces individus dans les exigences de la vie quotidienne (soins personnels, autonomie…) et dans leur vie sociale (interactions avec les autres, occupations, habiletés au travail…). Il y a également différents degrés de sévérité dans la déficience intellectuelle, pouvant aller d’une déficience légère à profonde. 
L’avancée dans les apprentissages scolaires est d’autant plus délicate à partir d’une déficience intellectuelle dite moyenne (QI inférieur à 55), raison pour laquelle la méthode Décodi a été pensée pour ces élèves-là plus particulièrement.

  • 4. Quelle a été votre méthode de recherche ?

Nous avons commencé par faire l’état des lieux des connaissances scientifiques les plus récentes en matière d’enseignement efficace de la lecture pour ces élèves, ce dans le cadre d’une méta-analyse. Nous avons ensuite étudié les pratiques et les besoins des enseignants travaillant sur le terrain avec ces élèves. Ensuite, sur la base de ces résultats et des ressources disponibles en anglais, nous avons développé une méthode d’enseignement « clé-en-main » adaptée à la langue française. Nous avons testé l’efficacité de cette méthode de manière expérimentale, c’est à dire en comparant les progrès effectués par des élèves qui utilisaient cette méthode par rapport à des élèves qui ne l’utilisaient pas. Les résultats s’étant avéré concluants, nous avons voulu mettre à la disposition des professionnels du terrain le fruit de ce travail.

  • 5. À qui s’adresse la méthode Décodi ?

Elle s’adresse à des professionnels voire à des parents d’enfants présentant une déficience intellectuelle ne sachant pas encore décoder. La méthode aborde en effet les premiers apprentissages formels en lecture, ceux qui sont d’ordinaire enseignés en début d’école primaire (CP, CE1).

  • 6. Que vont trouver les enseignants dans votre ouvrage ? Et dans les ressources ?

Les enseignants trouveront une méthode très guidante de travailler les prérequis (conscience phonologique, connaissances des correspondances graphèmes-phonèmes, procédure de décodage sur des syllabes…) pour amener très progressivement les élèves à lire des mots, des phrases puis des textes. Ils y trouveront également des stratégies pédagogiques convenant bien à ces élèves, telles que le modelage ou des feedbacks systématiques avec la technique dite du « délai constant ». Les enseignants trouveront également des parcours différenciés pour des élèves avançant à des rythmes différents, ainsi que des activités de remédiation pour les élèves rencontrant le plus de difficultés. La méthode a été conçue de manière à ce qu’une partie au moins des leçons puissent être faites avec un petit groupe d’élèves malgré ces différences de rythmes dans les apprentissages.

  • 7. Est-il possible d’utiliser la méthode Décodi avec des élèves qui rencontrent des difficultés en décodage sans déficience intellectuelle ?

Certains aspects de la méthode sont valables pour des enfants qui rencontrent des difficultés de décodage sans déficience intellectuelle voire pour tous les élèves, comme entrainer la conscience phonémique, enseigner les correspondances graphèmes-phonèmes et le décodage de manière explicite, systématique et progressive... 
Toutefois, la méthode mobilise aussi des stratégies spécifiquement destinées à des élèves présentant des limitations relativement importantes, comme par exemple de nombreux modelages, étayages et révisions, qui risqueraient de ralentir voire d’ennuyer des élèves avec des compétences cognitives préservées. 
Étant conçue pour des élèves avec une déficience intellectuelle moyenne, certaines adaptations sont déjà requises pour des élèves avec une déficience intellectuelle légère, à qui la méthode peut tout-à-fait convenir en diminuant par exemple la quantité de modelage, de révisions ou la fréquence du travail des prérequis. 
Pour ce qui est des élèves sans déficience intellectuelle, certaines activités ainsi que la progression dans les unités à lire pourraient être reprises. L’avancée dans les apprentissages nécessiterait toutefois non seulement d’être plus rapide que prévue, mais la méthode mériterait également d’être complétée par d’autres activités, comme des réflexions sur des textes plus complexes ou des activités de production écrite plus poussées.